Mon français, je le célèbre et le cultive!
Tout en simplicité, l’auteure-compositrice-interprète Kanen a partagé avec la communauté du Collège ses constats sur l’importance d’une langue par rapport à l’appropriation d’une culture et d’une quête identitaire. Cet échange, animé par l’enseignante de français, Geneviève Hamel, suivait la prestation musicale de l’artiste innue issue de la communauté Uashat mak Mani-Utenam.
Lauréate des Félix Révélation de l’année et Artiste autochtone de l’année à l’ADISQ 2023, Kanen fait tranquillement sa place dans le paysage musical contemporain québécois, avec sa musique de styles variés mariant l’alternatif, l’indie, le folk et la pop. Elle a présenté les chansons de son premier album, Mitshuap, qui unit la langue française à la langue innu-aimun.
Elle a écrit cet album alors qu’elle déménageait beaucoup. Originaire de la communauté située dans la région de la Côte-Nord, elle est allée étudier au Cégep Garneau de Québec, avant de s’installer à Montréal. Mitshuap, qui signifie « maison » en innu-aimun, présente des pièces où elle expose tant sa force que sa fragilité. Affirmant se sentir en sécurité devant le public Lionel, elle a enfilé ses chansons avec une sincérité touchante en compagnie de ses musiciens.
Elle a d’abord interprété Assi, qui veut dire Terre.
« La planète dont je parle approche de l’apocalypse. C’est un peu la fin du monde à cause du dérèglement climatique. Je voulais exprimer l’écoanxiété, qui rejoint beaucoup de personnes ces temps-ci, indique-t-elle. Dans ma langue, je demande pardon un peu pour tout ça en parlant aux territoires. »
Celle qui a étudié en cinéma au cégep est tombée dans l’univers de la musique un peu par hasard. S’étant fait remarquer comme participante à Secondaire en spectacle, son nom s’est rendu jusqu’aux oreilles du chanteur, guitariste et auteur-compositeur-interprète innu, Florent Vollant, qui cherchait une interprète autochtone pour un collectif musical, Nikamu Mamuitun/Chansons rassembleuses. Se joindre à ce groupe l’a motivée à poursuivre en musique, ce qui a donné le coup d’envoi à son projet solo.
« À travers ce parcours, j’ai appris à me faire plus confiance, à donner et à recevoir. J’apprends l’innu-aimun avec ce projet. Je suis plus curieuse envers ma langue et ma culture. Ça m’apporte beaucoup de fierté. Tout le monde a le droit d’accéder à sa culture », soutient l’artiste qui apprend à maitriser sa langue dans un processus de réappropriation identitaire.
Elle souligne que plusieurs actions sont mises en place pour les langues autochtones, dont la survie est fragile, afin de donner l’occasion aux autochtones de reconnecter avec elles.
Kanen, de son vrai nom Karen Pinette-Fontaine, a commencé des cours d’innu-aimun au cégep. Son enseignante de langue lui a demandé de prendre un nom à sonorité innue. Comme il n’y a pas de « r » dans cette langue, son prénom Karen est devenu Kanen. Un prénom qu’elle a conservé puisqu’il correspondait bien à son projet musical.
Lors de l’évènement, une tisane aux bleuets était offerte au public. Une occasion nouvelle d’enrichir son vocabulaire. « Je ne me souvenais plus du nom des baies dans ma langue. J’ai cherché dans mon livre. J’éprouve une grande fierté d’être aussi curieuse », mentionne-t-elle. Inniminana signifie bleuet dans sa langue maternelle.
Découvrir et s’approprier sa langue lui a aussi permis de constater la richesse de la langue française.
« Quand j’écris mes chansons, je fais un travail de traduction du français vers l’innu-aimun et je trouve ça beau. Il y a des figures de style, une richesse. Je me sens privilégiée de parler le français, souligne Kanen. Dans l’innu, ce sont des visions, c’est direct. Il y a un défi de naviguer entre les deux langues ».
Que sa langue maternelle ne soit pas reconnue comme une langue officielle rend sa pratique quotidienne difficile. En effet, elle n’a pas l’occasion de la parler en se faisant servir dans sa langue maternelle, comme c’est possible avec les langues officielles du pays qui sont le français et l’anglais.
Parmi le public, plusieurs étudiantes et étudiants membres du Cercle autochtone étaient présents et reconnaissants de la venue de Kanen. Affirmant ne pas voir sa quête identitaire comme une course, elle a mentionné que l’écoute demeure le meilleur moyen pour les personnes allochtones de soutenir les autochtones dans leur démarche de réappropriation. Parions que cet évènement, qui s’inscrivait à l’intérieur de l’annuelle Francofête, activité visant à valoriser la langue française au Collège Lionel-Groulx, soit juste le début d’une longue conversation.
Nouvelle précédente
Succès étudiant lors de la simulation des Nations-Unies
Nouvelle suivante